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Karen Lano poursuit sa trajectoire à ciel ouvert. En mouvement, à l’écart du peloton, farouchement indépendante et libre, missionnée par une quête intérieure et une musicalité aussi vagabonde que sensorielle, voluptueuse qu’hospitalière. Qui joue de la pesanteur comme on se balance dans un hamac. Qui privilégie dans le même élan artisanat et arrangements luxueux. Une fusion si maîtrisée qu’elle provoque des vibrations bienfaitrices. Celle qui a débuté au cours de ses années lycées porte la marque d’influences situées quelque part entre Kate Bush et Bertrand Belin et d’expériences plurielles. On l’aura ainsi vue notamment parcourir le monde en compagnie de l’Orchestre national de jazz avec le programme Broadway in Satin, enregistrer un premier album My name is hope à New-York sous la houlette de Michael Leonhart (Mark Ronson, Lenny Kravitz) et salué par la critique, reprendre du Queens of the Stone Age dans un projet collectif initié par Olivier Libaux (Nouvelle Vague), s’ouvrir progressivement à une prise de parole en français, monter son propre label. Ou offrir les clés de son deuxième disque en 2020, Muses, à l’inestimable duo de Facteurs Chevaux.

Conçu dans l’intégralité du processus de création avec son fidèle complice, le compositeur-réalisateur-arrangeur Olivier Legall, L’âge d’or impose un style folk vibrant et décadenassé, coordonné aux enjeux féministes et environnementaux de l’époque (Le temps d’un rêve) ainsi qu’à la sororité. Délicat et voluptueux, sensible sans affèterie et envoûtant, intime et plus direct que par le passé. L’éclat sauvageon entre en collision avec la douceur surannée. C’est un nuancier de couleurs fauves et intemporels. Du velours, du lyrisme, du relief, de l’enveloppant. Classique en apparence, mais riche en lignes de fuites, harmonies clairvoyantes et passages secrets vers des beautés plus mystérieuses. Intemporelle toujours la pochette illustrée par ce portrait pris par Naïade Plante semblant sortie d’un film des années 40 où Karen Lano porte une couronne de fleurs et la combinaison de Sylvie Hoarau, ex-moitié du groupe Brigitte et conseillère artistique du projet. L’âge d’or donc, titre à multiples détentes, qui renvoie à la fois au temps de l’insouciance, au cinéma et aux diktats liés à la condition féminine. La chanson éponyme, adresse personnelle à destination de son cœur, jette l’ancre au bon endroit à mi-distance entre l’épure et l’épique, dans le sillage de Fleet Floxes. En ouverture, une berceuse pour les grands moments de solitude (Seule dans la danse). Plus loin, le recours à la fable pour évoquer des images de guérison (L’oiseau blanc) et de renaissance (Déesse).

Karen Lano ne perd jamais en cours de route toute la force évocatrice des silences, l’urgence de sa fausse quiétude, la sophistication de son écriture. Les mots sont traités avec soin et grâce. La pureté du chant enjôleur surplombe des arpèges de guitare, des nappes de claviers oniriques de suaves incursions de bugles ou trompettes. L’île au bout du monde, évocation rêveuse de sa maison isolée au milieu d’un bois dans l’Eure, s'imprègne de l'énergie irradiée par les éléments naturels tandis La louve se dote d’une parure tribale pour tendre vers une autre problématique féminine. Ce troisième chapitre discographique capture des sensations intimes, des tensions inquiètes et sur le qui-vive, à l’image de ce Pasacé partagé avec la voix voltigeuse d’Emily Loizeau. Sur Femme nature, c’est Brisa Roché, figure de la scène indie, qui s’invite à célébrer ce mariage singulier. Un des nombreux morceaux de bravoure d’un album qui s’érige en un baume pour le cœur, une réponse raffinée au chaos ambiant. Une bulle protectrice, consciente et revitalisante.

 

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